(Texte écrit par CHANG Yeong-Suk, professeur de danse traditionnelle à Paris, et Dominique COLLIGNON)
1- une Histoire de la danse
La danse traditionnelle coréenne est le fruit d'une histoire cinq fois millénaire. Elle a des caractéristiques propres qui la distingue de ses voisins. On a tendance à penser que, pour des raisons géographiques, la Chine; la Corée et le Japon forment une même entité cuturelle. Ces trois pays, bien entendu, ont en partage le Bouddhisme et le Confucianisme. Ils ont connu tout au long de leur histoire, des échanges d'une grande richesse. Toutefois, chacun a su conserver et développersa singularité. Et la danse est peut-être le domaine où les différences sont les plus visibles.
L'origine de la danse coréenne remonte à la préhistoire. Les tribus, pour honorer leurs Dieux, chantaient et dansaient. La danse traditionnelle, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est donc un héritage de ces cérémonies ancestrales. Elle commença à se structurer durant l'époque des Trois Royaumes (Samguk Shidae 57 avant JC - 668)
Au temps de Shilla Unifié (Tongil Shilla, 668- 935) le Bouddhisme, introduit en Corée en 372, fut décrété religion d'Etat.Il développa des danses diverses aidant à diffuser son message d'harmonie. Au temps de Goryeo (918- 1392), les danses étaient exécutées lors du Yeondeunghoe (영등회), cérémonie nationale bouddhiste et lors du Palgwanhoe (팔관회), prières aux Dieux pour la prospérité.
Au temps de Joseon (1392- 1910), la danse trouvait une place aussi bien dans les cérémonies religieuses qu'à l'occasion de fêtes nationales du calendrier lunaire. Durant cette période, deux styles de danse se distinguèrent : la danse destinée à la Cours Royale dite "Danse de Cours". Le répertoire en comptait environ cinquante. Et le style dit "Populaire" se développa au cours de la dynastie à mesure que s'améliorèrent les conditions de vie grâce aux progrès de l'agriculture et du commerce.
Sous l'occupation japonaise (1910- 1945), les cultures savantes et populaires furent éradiquées. Les artistes, contraints d'abandonner leurs pratiques, leurs académies de danse et de musique s'éteignirent. Cependant la plupart des danses traditionnelles furent conservées grâce à leur pratique en secret et à l'Etranger.
Après la libération fut créé en 1951 l'Institut National de Musique et de Danse Traditionnelles. C'est alors qu'un long et patient travail de restauration à partir de collecte permt de renouer avec l'enseignement des vieux maîtres. Ainsi, aujourd'hui, des danses traditionnelles coréennes au style épuré peuvent à nouveau s'pprécier et e transmettre.
De nombreuses danses ont été officiellement déclarées Trésors Nationaux Intangibles comme Ganggangsullae, Seungmu, Talchum. Certains danseurs ont été nommés Trésors Nationaux Vivants. Ils ont ainsi la charge et l'autorité de transmettre leurs héritages artistiques et leurs chorégrahies millénaires. Dans tout le pays, lors de festivals ou dans des théatres, s'apprécient et se pratiquent de multiples styles de danses avec leurs variétés régionales.
2- Aspects philosophique et culturel
La danse traditionnelle coréenne est tributaire de la Nature. Elle se conçoit comme la recherche d'un état corporel naturel, d'une relation simple à la nature. L'arrière plan philosophique sur lequel elle s'appuie est une recherche d'harmonie entre le Ciel, la Terre et l'Homme. Il s'agit de recueillir l'énergie du Ciel et de la Terre dans le but de mettre le corps humain en harmonie avec les éléments.
Contrairement au ballet occidental, la danse coréenne ne vise pas à s'échapper à la pesanteur, mais plutôt à s'ancrer dans le sol. Elle trouve sa respiration dans les rythmes telluriques. Le danseur intériorise le sentiment de l'immensité terrestre. Il inspire profondément par le ventre et rassemble son énergie sur un point un peu en dessous du nombril, en abaissant au maximum son centre de gravité.L'influx induit par la respiration prend ainsi sa source au centre du corps et s'écoule jusqu'au bout des doigts. Les pieds sont le socle sur lequel s'établit l'équilibre.
La respiration profonde, semblable à ce que nous connaissons par la pratique du Seon (branche méditative du bouddhiste coréen) est ainsi l'élément central de la danse coréenne. En effet, que l'on danse ou que l'on joue d'un instrument, il ne s'agit pas ici d'une expression des sentiments, mais d'une méditation. La danse ne raconte pas une histoire, elle tente de transposer un étt d'âme. Même dans l'effort, le danseur maîtrise sa respiration et garde l'esprit léger. Il doit concentrer son coeur et son esprit à la synchronisation de sa respiration avec le rythme.
Les déplacements brutaux sont rares, les mouvements sont ronds, dynamiques et élégants. Le danseur utilise son corps comme une entité dont aucune partie ne saurait se mouvoir seule. Il ne change jamais de position mais glisse de l'une à l'autre. Même s'il semble s'arrêter un moment, il n'est jamais immobile, son corps entier vibre d'un léger mouvement ondulatoire.