(Texte écrit par CHANG Yeong-Suk, professeur de danse traditionnelle à Paris, et Dominique COLLIGNON)
1- les Danses Rituelles
- Giwonmu (기원무) : danse de Mudang (sorcière ou sorcier) pratiquée lors de Geut (긋, cérémonie chamanique). On danse pour chasser les fantômes ou consoler les âmes. C'est la danse la plus archaïque.
- Barachum (바라춤) : danse bouddhiste, accompagnée de Bara (바라, petites cymbales de métal). Elle est exécutée par les moines comme exorcisme ou comme purificateur du coeur.
- Sadarani Barachum (사다라니 바라춤) : danse des quatre origines de la naissance, visant à apporter au monde bien-être et sérénité, dansée également avec des Bara.
- Nabichum (나비춤) : danse du papillon au rythme lent, emprunt de sérénité. Elle est exécutée par des Bonzesses coiffées du Kokkal (꼿깔, grande capuche blanche) et du Jangsam (장삼, robe à longues manches blanches). Cette danse, à travers la transformation de la chenille en papillon, symbolise la libération de l'être humain des maux terrestres.
- Beopgochum (법고춤) : danse du tambour bouddhique, exécutée par les moines. Le rythme est marqué par deux bâtons, un dans chaque main. On l'accélère jusqu'à l'extase bouddhique. A l'intérieur du temple, les religieux agitent une petite cloche sacrée, célébrant les humains et les animaux à quatre pattes, et frappent un bloc de bois en forme de poisson, glorifiant la faune aquatique. Musique et chants accompagnent la danse.
- Yeongsangjae (영상재) : la plus grande cérémonie bouddhique remontant au royaume de Shilla Réunifié (668-935). Elle est célébrée dans les temples afin d'aider les hommes à entrer dans le monde de la Vérité. Composée de danses et de musiques, cette cérémonie dure trois jours. Elle a été proclamée Trésor National Intangible depuis 1973 et est inscrite sur la liste du Patrimoine Mondial de l'UNESCO depuis 2009.
- Ilmu (일무) : danse confucéenne, symbole d'ordre et d'harmonie. Elle était populaire à l'époque Goryeo (918-1392) et Joseon (1392-1910). En lignes, les danseurs jouent toutes sortes d'instruments pour louer les mérites civils des rois.
2- Danses de Cour
- Cheoyongmu (처용무) : danse masquée de la période Shilla (57 av JC- 668). Elle était exécutée autrefois pour chasser les mauvais esprits et assurer la tranquilité à l'occasion des banquets royaux ou lors des rites d'exorcisme pratiqués la veille du nouvel an afin d'attirer la chance. Elle s'inspire de la légende "Cheoyong" racontant l'histoire du fils du roi de la mer qui, ayant pris une forme humaine, parvint en chantant et en dansant à éloigner de sa femme le démon de l'épidémie. Les danseurs masqués et vêtus de robes multicolores représentent respectivement les cinq points cardinaux. Le danseur en costume bleu symbolise l'Est, celui en rouge le Sud, celui en blanc l'Ouest, celui en noir le Nord et celui en jaune le Milieu de l'univers. Cette danse est également inscrite au Patrimoine Mondial de l'UNESCO.
- Chunaengmu (추냉무) : danse du rossignol. Elle évoque l'envol d'un jeune rossignol dans le ciel du printemps et la grâce de son chant. Elle a été créée par le prince héritier Hyomyeong (효명, 1809-1830), fils aîné du roi Sunjo et brillant lettré, à l'occasion des quarante ans de sa mère. Le danseur vêtu d'un costume jaune de cour symbolisant le rossignol avec de longues manches à cinq couleurs, danse sur un petit tapis couvert de fleurs.
- Hakchum (학춤) : danse de la grue, symbole de longévité. Le danseur masqué imite le vol ou la marche de la grue. Pour finir, il donne des coups de bec sur une fleur de lotus d'où, féériquement, émergent une ou deux jeunes filles.
- Hwarangmu (화랑무) : danse de jeunes guerriers et lettrés de la période Shilla. Les danseurs portant chacun une longue épée se font face et expriment leur bravoure. Les mouvements sont dynamiques, souples et rapides.
- Geommu (검무) : danse de l'épée. Le danseur vêtu d'un costume de soldat su septième siècle tient une épée dans chaque main. Cette danse a sa légende : au septième siècle, à la fin de de la période des Trois Royaumes, un jeune danseur célèbre Hwang Changnang tue un roi ennemi au cours d'une danse. Impressionnés par ce courage qui sauvegardait leur pays, les habitants de Shilla adoptèrent sa danse en se couvrant le visage d'un masque aux traits du jeune héros.
- Mugo (무고) : danse du tambour. Elle est attribuée au royaume de Goryeo (918-1392). Un groupe de huit danseurs vêtus de robes de courtisan tourne autour d'un tambour circulaire. Les quatre Wonmu (원무), formant le cercle intérieur, tiennent chacun une baguette de tambour. Les quatre Hyeonmu (현무) formant le cercle extérieur tiennent des fleurs.
- Musanhyang (무산향) : danse du parfum de la montagne. Elle est souvent exécutée par un jeune danseur ou danseuse dans un costume de cour pour la fête royale de la dynastie des I.
- Pogurak (포구락) : danse du jeu de boule. Apparue à l'époque Goryeo, elle était destinée à l'expression de la liesse lors des festins royaux. Les danseuses, réparties en deux groupes, tournent autour d'une porte décorée, percée d'un trou. C'est par là qu'elles doivent lancer le Taegu (태구), une petite balle de bois, traversée de fils de soie rouge et vert. Celle qui parvient à lancer la balle à travers l'orifice reçoit des fleurs ; dans le cas contraire, on lui fait sur le visage une marque noire à l'aide d'un pinceau.
3- Danses Populaires
- Dongrae Hakchum (동래 학춤) : danse de la grue du quartier de Dongrae. Vêtu d'un manteau blanc et d'un chapeau noir, les danseurs miment l'envol des grues dans le ciel.
- Ganggangsullae (강강술래) : ronde exécutée par des femmes à la pleine lune de la fête des moissons au huitième mois solaire. Elle date de plus de cinq mille ans, aux origines des croyances chamaniques coréennes. La meneuse à la plus jolie voix lance un chant improvisé. Le groupe lui répond par le refrain Ganggangsullae. On a perdu aujourd'hui le sens de ce phonème issu d'un dialecte ancien de la province de Jeolla au Sud-Ouest de la Corée. Cette danse fut désignée Trésor National Intangible et inscrit au Patrimoine Mondial de l'UNESCO.
- Jinju Gyobang Geutgeori (진주 교방 긋거리) : danse d'origine chamanique de la ville de Jinju. Classée comme Trésor National Intangible de la province de Gyongnam, elle est connue dans tout le pays. L'harmonie entre la musique et la danse inspire la beauté et la douceur féminines.
- Hallyangmu (한량무) : danse du lettré déchu. C'est un solo des plus remarquables par ses gestes de grâce, d'élégance des plus raffinés. Elle était exécutée dans le Gyobang (교방), école de chanteurs et de danseurs de l'époque Goryeo et de la dynastie I. On la nomme aussi Hoteuntchum, ce qui se traduit par "danse improvisée". Elle constitue la base de la danse coréenne et se pratique dans la vie quotidienne, animant les fêtes et exprimant la joie de l'instant.
- Salpulichum (살풀이춤) : salpuri signifie "conjurer le mauvais sort (esprit)". Cette danse archaïque était étroitement liée au Geut, rituel chamanique. Au cours du temps, elle s'est progressivement dépouillée de ses attributs chamanistes. Vêtu de blanc, le danseur lance un long tissu blanc comme pour rejeter au loin sa tristesse cachée au plus profond de son coeur. Le mouvement s'accélère graduellement, exprimant la passion ardente de son âme. Cette danse est aussi inscrite sur la liste des Trésors Nationaux Intangibles.
- Seungmu (승무) : danse de moine. Raffinée et élégante, elle est considérée comme la quintessence de la danse traditionnelle. Les bras prolongés par les longues manches, le danseur porte une robe de moine, une longue écharpe rouge et une guimpe blanche. A la fin, il frappe sur le tambour et ses bords en exécutant huit rythmes différents. C'est un rituel permettant de se libérer des fautes commises et de sortir de la quotidienneté du monde. La rapidité finale de son jeu exprime la joie de cette libération. Elle est également désignée Trésor National Intangible.
- Taepyeonmu (태평무) : danse pour souhaiter la grande paix. Son origine remonte aux cérémonies rituelles chamaniques de la province de Gyeonggi. On l'appelle aussi la "danse du roi et de la reine" apportant paix et prospérité au pays. Elle est dansée par un homme et par une femme en costume de roi et de reine sur une musique chamanique au rythme très complexe. Les mouvements de pieds sont extrêmement variés et exigent une technique particulière. Cette danse est aussi inscrite sur la liste des Trésors Nationaux Intangibles.
- Talchum (탈춤) : danse de masque. Issue du chamanisme, elle est pratiquée depuis le 9ème siècle dans les villages lors des fêtes agricoles. Elle évoque la vie quotidienne du peuple et met en avant la sagesse paysanne. Les spectacles de masques se veulent une satire de la classe supérieure, à savoir les moines et les nobles. Dans ces spectacles, le méchant est toujours puni et le bon récompensé. Ici, la critique de cette dégénérescence des moeurs n'est jamais traitée sans une bonne dose d'humour. Cette danse est aujourd'hui inscrite sur la liste des Trésors Nationaux Intangibles.
4- Nouvelles danses
- Buchaechum (부채춤) : danse des éventails. Les danseuses tiennent dans chaque main un somptueux éventail orné de plumes et de motifs floraux. Une fois rassemblés, les éventails forment diverses figures évoquant tour à tour une vague ou une fleur telle la rose pivoine, fleur de vie.
- Jangguchum (장구춤) : cette danse est accompagnée du Janggu, tambour en forme de sablier, porté sur les épaules. Elle peut être exécutée par un ou plusieurs danseurs. Les mouvements de pied sont rapides et expriment la joie de vivre.
Ces deux dernières danses sont considérées comme des danses traditionnelles mais elles sont cependant relativement récentes. Elles ne remontent qu'aux années 30 à 60.