(Traduction d'un texte paru dans le "Haedong Goseungjeon" (해동고승전, 海東高僧傳), écrit en 1215 par le moine Gakhun (각훈, 覺訓). Ce livre retrace les biographies des moines bouddhistes les plus importants de la période des Trois Royaumes. Cet article s'attache à la biographie du moine Wongwang (541-630 environ), une personnalité majeure dans la diffusion du Bouddhisme en Corée et ans l'édification du corps des Hwarang.)
"Suwol Gwaneum Bosaldo" (수월관음보살도, 水月觀音普薩圖)
"Peinture du Boddhisatva Gwaneum (Kannon)", époque Goryeo
Le nom séculaire du moine (Beopsa, 법사, 法士) Wongwang (원광, 圓光) était Seol ou Bak. Il était originaire de la capitale de Shilla. A l'âge de 13 ans, il eut son crâne rasé (ordination) et devint un moine. Sa compréhension était au delà de l'ordinaire. Il était très avancé dans les travaux de la "Compréhension Mystérieuse" et dans le Confucianisme, et il aimait la littérature. Ayant un esprit élevé, il avait en grand dédain les passions de ce Monde et se retira à l'âge de 30 ans dans une caverne de la montagne Samgi. Son ombre n'apparut jamais en dehors de cette grotte.
Un jour, un moine mendiant vint à un endroit près de sa grotte et y construisit un ermitage pour la pratique religieuse. Une nuit, pendant que le Maître était assis et récitait les Ecritures, un Esprit l'appela : "Là, ce moine cultive la magie noire. Je te supplie de le persuader de partir d'ici. S'il ne suit pas mon avertissement, il y aura un désastre".
Le Maître alla voir le moine et lui dit : "Tu ferais mieux de partir pour éviter un désastre. Si tu restes, tu n'y gagneras rien". Mais le moine répliqua : "Quand je m'engage à contrer les desseins de Mâra (le Mal personnifié), pourquoi m'inquiéterais-je de ce que dit un démon ?" Le même soir, l'Esprit revint et demanda la réponse du moine. Le Maître, craignant la colère de 'Esprit, déclara ne pas avoir encore rencontré le moine et qu'il était sûr que celui-ci n'oserait pas désobéir. L'Esprit remarqua tout de même : "je connais déjà la vérité. Reste calme et tu verras."
Cette même nuit, il y eut un bruit aussi fort qu'un coup de tonnerre. A l'aube, le Maître sortit et vit que l'ermitage avait été enseveli sous un glissement de terrain. Plus tard, l'Esprit revint et dit : "J'ai vécu pendant de multiples millénaires et possède des pouvoirs inégalés pour changer les choses. Il n'y a là, en l'occurence, rien qui soit merveilleux". Il conseilla le Maître : "Maintenant, le Maître a acquis pour lui les bénéfices de son ascèse mais il lui manque le mérite d'en faire profiter autrui. Pourquoi ne pas aller en Chine pour obtenir le Bouddhadharma, ce qui sera d'un grand secours pour les générations futures ?"
"Cela a été mon profond désir d'apprendre la Voie en Chine" répondit le Maître, "mais j'ai peur qu'à cause des obstacles sur terre et sur mer, je ne puisse l'atteindre". A ceci, l'Esprit lui dit dans le détail les moyens d'entreprendre son voyage dans l'Ouest.
Dans le troisième mois, printemps de la douzième année du roi Jinpyeong (590), le Maître se rendit en Chen. Il visita de nombreux hall de lecture, fut reçu et apprit de subtiles enseignements. Après avoir maîtrisé l'essence du "Traité sur la Complétude de la Vérité" (Seongshillon, 성실론, 成實論), le Sûtra du Nirvana et d'autres traités issus du Tripitaka, il se rendit à Huchiu dans le Wu, arborant une ambition haute jusqu'au ciel. Sur la requête d'un croyant, il tint des entretiens sur le "Traité de la Complétude de la Vérité" et les demandes de ses admirateurs arrivèrent comme les écailles d'un poisson.
Maintenant qu'il avait cultivé de nombreux travaux méritoires, il lui fut incombé de répandre le Dharma dans l'Est. Notre pays fit appel au royaume de Sui et il fut autorisé à retrourner dans son pays dans la vingt-deuxième année du roi Jinpyeong (600).
Dans la trentième année de son règne (608), le roi Jinpyeong, troublé par les fréquents raids à la frontière de Goguryeo, décida de requérir l'aide des Sui et demanda au Maître d'écrire un projet de demande de renforts étrangers. Le Maître répondit : " Détruire autrui dans le but de se préserver ne fait pas partie de la Voie des moines. Mais comme moi, pauvre moine, je vis dans les territoires de Sa Majesté et use de vêtements et de nourriture de Sa Majesté, je ne peux désobéir". Il transmit alors la missive du Roi aux Sui.
Le Maître était détaché et en retrait, mais il était affectueux et aimait tout le monde. Il souriait toujours quand il parlait et ne montrait aucun signe de colère. Ses rapports, ses textes, ses mémoires et ses correspondances étaient toujours écrites de sa main et étaient admirés dans l'ensemble du pays. Le pouvoir qui lui était dévolu était tel qu'il aurait pu gouverner une région, mais il usa de celui-ci plutôt pour promouvoir le Bouddhisme, créant un exemple à suivre pour les générations suivantes.
Dans la trente-cinquième année (613), une Assemblée de Cent Sièges se tint au monastère Hwangnyong pour exposer les écritures et recueillir les fruits de leur bénédiction. Le Maître ordonna l'entière cérémonie. Il passa beaucoup de temps au temple Gachwi, discourant sur la vraie Voie.
Gwisan et Chuhang de Saryang vinrent à la porte du Maître et, retirant leur robe, lui dirent respectueusement : "Nous sommes ignorants et sans connaissance. Donnez-nous s'il vous plaît une maxime qui servira à notre édification pour le reste de nos vies". Le Maître répondit : "il y a dix commandements dans l'ordination des Boddhisatva. Mais, puisque vous êtes des sujets et des fils, je crains que vous ne puissiez pas les pratiquer tous. Donc voici cinq commandements pour les laïcs : servez votre Souverain avec loyauté ; soyez dévoués à vos parents ; traitez vos amis avec sincérité ; ne battez pas en retraite lors des batailles ; choisissez entre donner la mort et laisser la vie avec discrimination. Appliquez bien ces principes".
Gwisan dit : "nous acceptons vos voeux avec respect pour les quatre premiers. Mais quelle est la signification de choisir entre donner la mort et laisser la vie avec discrimination ?"
Le Maître répondit : "Ne pas tuer durant les mois du printemps et de l'été, ni pendant la période des six jours sans viande revient à choisir le temps. Ne pas tuer d'animal domestique tel que les vaches, les chevaux, les poulets, les chiens et les petits animaux dont la quantité de viande n'exède pas une bouchée est choisir les créatures. Même s'il y a une forte nécessité, vous ne devriez pas tuer en grande quantité. Ce sont les bonnes règles pour des laïcs". Gwisan et son ami jurèrent de ne pas briser ces règles.
Plus tard, quand le roi tomba malade et qu'aucun médecin ne pouvait le soigner, le Maître fut invité au palais pour prononcer le Dharma et il fut mit dans des quartiers à part. En exposant les textes et en discourant sur la Vérité, il réussit à transmettre la Foi au roi. Au premier regard, le roi et ses courtisans virent que la tête du maître était comme couronnée par un Soleil doré. La maladie du roi trouva ainsi immédiatement sa cure.
Quand les années monastiques du Maître étaient déjà bien avancées, il alla à la cour intérieure du roi. Celui-ci prit personnellement soin des vêtements et des médicaments du Maître, espérant recevoir quelques mérites personnels. En dehors de sa robe et de son bol, le Maître donna tous les cadeaux qu'il avait reçus aux monastères afin de glorifier le vrai Dharma. Quand il fut proche de sa fin, le roi s'occupait de lui en personne. Il accepta sa demande de transmettre le Dharma après la mort du Maître et de sauver le peuple. Le Maître lui expliqua ainsi les présages en détails.
Dans la neuvième année de la reine Seondeok, sept jours après l'apparition de sa maladie, le Maître mourut, assis tout droit, pendant qu'il donnait ses derniers commandements avec lucidité et avec une voix compassionnée. Dans le cadran Nord-Est du ciel du monastère Hwangnyong, de la musique était portée par le vent et un parfum inhabituel envahit le hall. Tout le peuple ressentit de la douleur en même temps que de la joie. Les rites funéraires et ses objets étaient les mêmes que ceux d'un roi. Il avait 99 ans.
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Note de DC : ce moine, connu pour ses efforts pour l'expansion du Bouddhisme en Corée, a aussi pris une part importante de l'éducation des Hwarang. Le lecteur aura reconnu en effet le fameux motto qui leur était enseigné dans les cinq commandements aux laïcs :
1- Loyauté au Roi : Sagun Ichung, 사군이충, 事君以忠
2- Dévotion aux parents : Sachin Ihyo, 사친이효, 事親以孝
3- Confiance entre les amis : Gyou Ishin, 교우이신, 交友以信
4- Pas de retraite durant la bataille : Imjeon Mutoe, 임전무퇴, 臨戰無退
5- Choix réfléchi de vie et de mort : Salsaeng Yutaek, 살생유택, 殺生有擇