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Passage de grades 2011

David CONSTANT Par Le 21/03/2011 4

Dans Dojang log

 

 

Dans notre Dojang, nous venons de (presque) terminer la fournée 2011 des passages de grade. Bien que la plupart d'entre les élèves aient réussi, parfois au prix d'une confirmation, force est de constater que des lacunes communes et récurrentes étaient flagrantes. Du point de vue du collège de ceintures noires (qui jugent la qualité des prestations des élèves), de grandes lignes en ressortent, orientant la pédagogie à mettre en oeuvre pendant les prochains cours.

Je pense que mettre ces conclusions sur ce blog est une bonne chose. D'abord comme aide-mémoire pour les enseignants de notre école, afin de ne pas oublier ce qui a été constaté et décidé. Pour nos élèves qui me lisent, c'est le rappel de ce qui leur a été transmis oralement après le passage de grade, à savoir les points que leurs professeurs voudraient voir améliorer chez eux. Ensuite, pour les lecteurs de ce blog qui ne font pas partie de notre école, je pense que cela peut leur être profitable de lire un retour d'expérience, à comparer avec la leur pour y déterminer les points communs et les différences. 

Allons-y gaiement !

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Avant de rentrer dans le corps du sujet, quand bien même il y avait des défauts, je tenais quand même à renouveler les félicitations à ceux qui ont obtenu leur grade. Car, quoi qu'on en dise, le Hapgido est un art exigeant et difficile à maîtriser : de part le grand nombre de techniques à apprendre pour chaque ceinture (j'ai compté, par grade, une soixantaine de techniques pures avec, en sus, plus de 25 applications Hoshinsul) et aussi du fait de la versalité des principes à acquérir, principes dont d'autres écoles ont parfois fait des spécialités tant l'étude de chacun d'entre eux peut durer toute une vie (frappes des pieds et des mains, projections, clés d'articulation, armes, ...). Et il est demandé aux élèves de les ingérer dans un temps relativement court.

Alors, même s'il reste du chemin à parcourir (et on en est tous là), le travail effectué jusque là par chacun est très appréciable Cool

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Mais puisque tout n'a pas été parfait (loin de là Bouche cousue), entrons dans le vif du sujet. Et commençons par le plus directement visible : le physique. Il ne s'agit pas ici de critères au sens sportif du terme (pompes, squats, abdos, ...), mais de qualités physiques liées aux techniques. 

- Détente : bien qu'il y ait certainement eu un stress lié au passage de grade, ce qui a été le plus frappant chez la grande majorité des élèves, c'est leur manque de détente physique. Un certain "Playmobile" se reconnaîtra, mais il n'est pas du tout le seul. En tant que débutant, on recherche la force pour compenser une technique mal maîtrisée. Mais la plupart du temps, on confond force et tension. Être tendu n'est pas donner de la puissance à sa technique : au contraire, on se bloque soi-même. Mais être détendu n'est pas être mou pour autant, il convient de rester tonique. Pendant les cours, détendez-vous, faites des mouvements plus amples, plus allongés, respirez normalement et longuement, comme lors de la pratique du Danjeon Hoheup.

- Fluidité : nombre d'élèves exécutent leurs techniques de manière encore trop syncopée, décomposant chaque technique à l'extrême. Si pour des débutants, cela reste encore acceptable, au bout d'un certain temps de pratique, cela devient une habitude rédhibitoire. Une technique commence dès l'attaque de l'adversaire et se termine dans le temps d'une expiration fluide et continue, dans le temps d'un geste ininterrompu. Chaque arrêt au cours de la technique, même bref, est l'occasion pour l'adversaire de comprendre et de contrer la technique. Il convient de ne pas lui donner cette opportunité. A chaque cours, il convient donc de travailler une technique de son début à sa fin sans marquer d'arrêt.

- Equilibre : là aussi, on a vu des élèves presque tomber durant l'exécution de leur technique ou se laisser emporter par leur partenaire. C'est inacceptable dans le sens qu'à ce moment précis, la technique perd toute sa force, de sa pression et offre une opportunité à l'adversaire de se dégager. Les deux raisons principales d'un déséquilibre sont de mauvais Jase (positions des pieds, des hanches, des épaules, de la verticalité du tronc, ...) et la non-prise en compte de l'inertie du partenaire (poids, gabarit, mouvements, ...) durant l'application de la technique. En cours, travaillez vos positions, notamment Gimase ; descendez sur vos appuis, ne laissez pas votre centre (Jungshim) "faible". 

- Dynamisme : une conséquence amusante des points précédents est que les techniques manquaient souvent de vitesse. On s'ennuyait à mourir en tant que jury et on remarquait que l'adversaire avait 10 fois le temps d'éviter la technique, s'il n'avait pas été aussi coopératif. Ce manque de dynamique est bel et bien dû à la tension générale du corps et à la petitesse des mouvements. Pendant un cours, on peut décomposer une technique comme on ferait des gammes, mais à un moment, il faut l'éxécuter "en temps réel", une technique ne devrait pas prendre plus d'une seconde pour arriver à sa conclusion.

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Mais les erreurs relevées ne concernaient pas que le physique. Un autre sujet de mécontentement se trouve dans le mental démontré.

- Concentration : un gros défaut chez certains est un manque de concentration certain. On avait l'impression de faire face à des personnes inscrites aux abonnés absents. Le corps agissait mais l'esprit était clairement ailleurs ou dans un autre temps. Aussi les techniques présentées avaient-elles une forme physique mais elles n'avaient pas de fond. Une technique, c'est corps et esprit unis : l'esprit doit alors, au même titre que le corps, être présent ici et maintenant. En cours, évitez les pensées parasites et vagabondes, concentrez-vous sur ce que vous faites ou sur votre respiration ; visualisez la technique au moment-même où vous l'effectuez, sans temps ni de retard ni d'avance.

- Résistance au stress : en cours, la pratique peut parfois s'avérer confortable : on prend son temps, on n'est pas en apnée, on n'a pas le coeur qui bat à tout rompre, on travaille pour soi et personne ne nous juge. Tel n'est pas le cas lors d'un passage de grade lorsque le stress nous envahit. Et quand le stress devient trop fort, on se fatigue beaucoup plus vite et plus aucune technique ne fonctionne, renforçant encore plus le stress. Dans la rue, dans la vie de tous les jours et, a fortiori, lors d'un passage de grade, le stress est présent et il convient de ne pas négliger ce facteur essentiel. Aussi, en cours, mettez-vous la pression, ne faites pas dans la facilité ; donnez-vous des objectifs ambitieux et travaillez en résistance physique (intensivement pendant des durées relativement courtes), celle-ci renforcera votre résistance mentale.

- Auto-discipline : s'il est rôle du professeur d'enseigner une certaine discipline au début, c'est à l'élève de prendre progressivement la main sur sa propre discipline. De soi-même, il convient de ne pas se laisser aller, de ne pas s'écouter. Aussi, en tant que professeur, on ne veut plus entendre pester, soupirer, voir quelqu'un se laisser aller à des moments de "faiblesse". Cela arrive de temps à autre à n'importe qui, mais on souhaite alors voir l'élève se reprendre au lieu de se laisser submerger. En cours, pas de relâchement, pas de laisser-aller, pas de gros mot lâché inopinément, pas de récrimination envers le partenaire du genre "you attack me wrong". Si cela arrive, faites des pompes de vous-même avant que ce ne soit le prof qui vous le commande.

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Enfin, last but not least, certains oublient qu'une technique, ce n'est pas uniquement une performance personnelle, mais une relation à l'autre.

- Relation à autrui :  le Hapgido n'est pas uniquement une activité individuelle physique et mentale. Bien sûr, on travaille des qualités telles que décrites plus hautes. Mais c'est surtout une activité en relation avec un partenaire. Sans partenaire, le Hapgido serait réduit à une chorégraphie de danse. Aussi, lors des passages de grade, quand on voit des techniques exécutées par quelqu'un qui ne semble concentré que sur ce qu'il fait, on se dit qu'il a manqué une facette importante du Hapgido. Et le fait d'être centré sur soi, ça se voit très facilement de l'extérieur. Il suffit pour cela de regarder les réactions du partenaire à la technique : sa mise en mouvement, sa douleur, son manque de liberté de mouvements, ... Exécuter une technique correctement n'est pas seulement avoir compris les mouvements que je dois accomplir, c'est comprendre aussi les mouvements que le partenaire doit accomplir si la technique est correctement exécutée. En cours, une fois les mouvements que je dois effectuer durant une technique sont compris, je dois m'en détacher et me concentrer uniquement sur les effets produits sur l'autre ; comme au foot, on finit par oublier le ballon et on regarde le terrain et les autres joueurs, il convient de finir par s'oublier soi-même et de prendre conscience du partenaire et de l'environnement.

- Relation à l'environnement : ce qui est aussi flagrant chez beaucoup, c'est qu'ils sont tellement auto-centré qu'ils ne voient plus ce qui se passe autour d'eux. Pendant le passage de grade, ils font face à leur partenaire et le jury disparaît de leur radar. Ils n'entendent plus les ordres, ou alors en partie seulement. S'il convient d'être concentré sur soi et sur son partenaire, le monde n'en disparaît pas pour autant et il faut dépasser la seule concentration pour attacher son esprit à tout et à rien en particulier. Pendant les cours, écoutez les ordres ou les conseils jusqu'au bout, évitez le "j'ai tout compris" ; essayez d'appliquer autant que possible la notion de Nunchi, restez vigilants ou aware à ce qui se passe autour de vous sans pour autant vous disperser de votre technique en cours !

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Voilà grosso modo les différents points qu'on a pu relever lors de ce dernier passage de grade. On peut se poser la question de la pertinence du passage de grade (et je le ferai dans un billet à venir) mais cela reste un outil extrêmement révélateur du niveau réel d'un pratiquant. Pas seulement concernant la connaissance d'un programme, mais aussi sur la réelle maîtrise des principes sous-jacents des techniques. Et là, quel que soit le nombre de techniques apprises, si leurs principes ne sont pas assimilés, elles ne seront que chorégraphies vides de sens et d'efficacité.

Donc voilà ce qu'on veut voir nos élèves travailler en cours, régulièrement et assidûment. Pour leur bien. Car, une fois ces principes acquis, apprendre de nouvelles techniques ne sera plus que rajouter des cerises sur un gâteau plus que consistant.

Commentaires

  • 1 Le 26/03/2011

    Salut la foule,
    Je prends bonne note de l'ensemble des points que tu évoques. Je me reconnais assez bien dans tous les petits paragraphes. Pour ce qui me concerne, j'ai la motivation car j'aime pratiquer cet art martial mais je dois bien avouer qu'au delà de l'aspect physique (que je n'ai que peu dailleurs ) je me suis senti bien moins confiant que lors du précédent passage de grade. Le stress du passage était égal par contre En effet, je suis arrivé au passage en ayant l'impression de ne rien savoir. J'ai clairement ressenti le manque d'approfondissement de mon travail (peut être n'ai je pas assez sollicité l'encadrement). Et pourtant, je n'ai pas eu l'impression d'y mettre moins de coeur à l'ouvrage. Je me suis senti moins "guidé" que l'an passé. La place à la découverte à été plus présente. Pire, avec le recul, je ne me souviens même pas de ma prestation (ce que j'ai fait et dans quel ordre)
    Toujours pour ce qui me concerne, même si c'est répété en cours assez régulièrement, au bout de quelques minutes, le naturel revient à l'avant de la scène et je me transforme de nouveau en chewing gum dur, collé sous une table. Image d'une brique en train de pratiquer un brin crispé quoi (ça doit être mon coté militaire ça )
    Quand au verbiage, ça aussi c'est difficile à chasser. J'ai comme d'autre besoin de mettre des mots là où je n'ai pas compris. Mauvaise habitude sans doute qui finira peut etre par s'atténuer avec le temps. Avec tes quelques années de recul maintenant, dirais tu que les classes se suivent et se ressemblent ? En tous cas, et sans jeter trop de fleurs, (là, je sens que je vais me faire traiter de lèche ....) il est toujours aussi agréable pour moi de pratiquer au dojang et de tenter d'améliorer tout ce que vous voulez bien nous transmettre.
    Sylvain
  • 2 Le 03/04/2011

    Sylvain,

    Avec un peu de retard... Primo : si tu te reconnais dans tous les points, c'est que tu es normal. Et on en est tous là : travailler pour les améliorer. Donc, ne te désespère pas

    Deuxio, tu abordes nombre de détails intéressants sur ta prestation. Certains sont normaux, ou en tous cas voulus par le collège de ceintures noires : ton stress, le fait de ne pas se souvenir de tout, le fait de ne pas te sentir guidé... Le but était de vous déconnecter l'intellect et voir ce que vous pouviez faire sans réfléchir, "instinctivement". Par contre, pour des points tel le manque d'approfondissement, c'est ton travail personnel et ce n'est pas de notre fait : alors n'hésite pas à demander toutes les précisions nécessaires pendant les cours, car au passage de grade (ou lors d'une confrontation réelle), c'est trop tard...

    Tercio, le blabla, il faut arrêter, c'est mal. Couper le cerveau est essentiel pendant la pratique : prend exemple sur nous

    Enfin, tu es un fayot, mais tu le savais déjà
  • 3 Le 10/04/2011

    Bon bein je sais ce qu'il me reste à faire. En attendant, je me repose au bord de la mer pour revenir un peu moins cassé et dans l'optique de reprendre le foncier que j'avais un peu abandonné à cause d'un travail ponctuellement prenant.
    Signé Grand Master of fayotage
  • olivier Breteau

    4 olivier Breteau Le 01/05/2011

    David

    Je viens de passer plusieurs minutes sur ton site, en y prenant beaucoup d'intérêt, et je ne peux résister à l'envie de t'écrire, pour te féliciter et te remercier.

    Te féliciter pour la qualité de ton travail, la clareté de tes écrits et de leurs précisions.

    J'ai particulièrement apprécié ta synthèse entres les budos et les muyes. J'y ai appris beaucoup mine de rien sur les 2 cultures et histoires japonaises et corréennes. Cela me donne des repères utiles dans l'appréhension de l'hapkido. Car s'investir dans une pratique sportive, suppose de connaitre sa technique, bien entendu, mais également son histoire, ses origines.

    Merci également pour le travail de synthèse que tu as effectué à l'issue des passages de grade. J'essaierai de le relire régulièrement pour m'en imprégner et l'intégrer concrètement dans ma pratique individuelle.

    Bon courage à toi pour tes recherches, les mises à jour de ton site.

    Cordialement

    Olivier

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