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Avant de rentrer dans le corps du sujet, quand bien même il y avait des défauts, je tenais quand même à renouveler les félicitations à ceux qui ont obtenu leur grade. Car, quoi qu'on en dise, le Hapgido est un art exigeant et difficile à maîtriser : de part le grand nombre de techniques à apprendre pour chaque ceinture (j'ai compté, par grade, une soixantaine de techniques pures avec, en sus, plus de 25 applications Hoshinsul) et aussi du fait de la versalité des principes à acquérir, principes dont d'autres écoles ont parfois fait des spécialités tant l'étude de chacun d'entre eux peut durer toute une vie (frappes des pieds et des mains, projections, clés d'articulation, armes, ...). Et il est demandé aux élèves de les ingérer dans un temps relativement court.
Alors, même s'il reste du chemin à parcourir (et on en est tous là), le travail effectué jusque là par chacun est très appréciable
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Mais puisque tout n'a pas été parfait (loin de là ), entrons dans le vif du sujet. Et commençons par le plus directement visible : le physique. Il ne s'agit pas ici de critères au sens sportif du terme (pompes, squats, abdos, ...), mais de qualités physiques liées aux techniques.
- Détente : bien qu'il y ait certainement eu un stress lié au passage de grade, ce qui a été le plus frappant chez la grande majorité des élèves, c'est leur manque de détente physique. Un certain "Playmobile" se reconnaîtra, mais il n'est pas du tout le seul. En tant que débutant, on recherche la force pour compenser une technique mal maîtrisée. Mais la plupart du temps, on confond force et tension. Être tendu n'est pas donner de la puissance à sa technique : au contraire, on se bloque soi-même. Mais être détendu n'est pas être mou pour autant, il convient de rester tonique. Pendant les cours, détendez-vous, faites des mouvements plus amples, plus allongés, respirez normalement et longuement, comme lors de la pratique du Danjeon Hoheup.
- Fluidité : nombre d'élèves exécutent leurs techniques de manière encore trop syncopée, décomposant chaque technique à l'extrême. Si pour des débutants, cela reste encore acceptable, au bout d'un certain temps de pratique, cela devient une habitude rédhibitoire. Une technique commence dès l'attaque de l'adversaire et se termine dans le temps d'une expiration fluide et continue, dans le temps d'un geste ininterrompu. Chaque arrêt au cours de la technique, même bref, est l'occasion pour l'adversaire de comprendre et de contrer la technique. Il convient de ne pas lui donner cette opportunité. A chaque cours, il convient donc de travailler une technique de son début à sa fin sans marquer d'arrêt.
- Equilibre : là aussi, on a vu des élèves presque tomber durant l'exécution de leur technique ou se laisser emporter par leur partenaire. C'est inacceptable dans le sens qu'à ce moment précis, la technique perd toute sa force, de sa pression et offre une opportunité à l'adversaire de se dégager. Les deux raisons principales d'un déséquilibre sont de mauvais Jase (positions des pieds, des hanches, des épaules, de la verticalité du tronc, ...) et la non-prise en compte de l'inertie du partenaire (poids, gabarit, mouvements, ...) durant l'application de la technique. En cours, travaillez vos positions, notamment Gimase ; descendez sur vos appuis, ne laissez pas votre centre (Jungshim) "faible".
- Dynamisme : une conséquence amusante des points précédents est que les techniques manquaient souvent de vitesse. On s'ennuyait à mourir en tant que jury et on remarquait que l'adversaire avait 10 fois le temps d'éviter la technique, s'il n'avait pas été aussi coopératif. Ce manque de dynamique est bel et bien dû à la tension générale du corps et à la petitesse des mouvements. Pendant un cours, on peut décomposer une technique comme on ferait des gammes, mais à un moment, il faut l'éxécuter "en temps réel", une technique ne devrait pas prendre plus d'une seconde pour arriver à sa conclusion.
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Mais les erreurs relevées ne concernaient pas que le physique. Un autre sujet de mécontentement se trouve dans le mental démontré.
- Concentration : un gros défaut chez certains est un manque de concentration certain. On avait l'impression de faire face à des personnes inscrites aux abonnés absents. Le corps agissait mais l'esprit était clairement ailleurs ou dans un autre temps. Aussi les techniques présentées avaient-elles une forme physique mais elles n'avaient pas de fond. Une technique, c'est corps et esprit unis : l'esprit doit alors, au même titre que le corps, être présent ici et maintenant. En cours, évitez les pensées parasites et vagabondes, concentrez-vous sur ce que vous faites ou sur votre respiration ; visualisez la technique au moment-même où vous l'effectuez, sans temps ni de retard ni d'avance.
- Résistance au stress : en cours, la pratique peut parfois s'avérer confortable : on prend son temps, on n'est pas en apnée, on n'a pas le coeur qui bat à tout rompre, on travaille pour soi et personne ne nous juge. Tel n'est pas le cas lors d'un passage de grade lorsque le stress nous envahit. Et quand le stress devient trop fort, on se fatigue beaucoup plus vite et plus aucune technique ne fonctionne, renforçant encore plus le stress. Dans la rue, dans la vie de tous les jours et, a fortiori, lors d'un passage de grade, le stress est présent et il convient de ne pas négliger ce facteur essentiel. Aussi, en cours, mettez-vous la pression, ne faites pas dans la facilité ; donnez-vous des objectifs ambitieux et travaillez en résistance physique (intensivement pendant des durées relativement courtes), celle-ci renforcera votre résistance mentale.
- Auto-discipline : s'il est rôle du professeur d'enseigner une certaine discipline au début, c'est à l'élève de prendre progressivement la main sur sa propre discipline. De soi-même, il convient de ne pas se laisser aller, de ne pas s'écouter. Aussi, en tant que professeur, on ne veut plus entendre pester, soupirer, voir quelqu'un se laisser aller à des moments de "faiblesse". Cela arrive de temps à autre à n'importe qui, mais on souhaite alors voir l'élève se reprendre au lieu de se laisser submerger. En cours, pas de relâchement, pas de laisser-aller, pas de gros mot lâché inopinément, pas de récrimination envers le partenaire du genre "you attack me wrong". Si cela arrive, faites des pompes de vous-même avant que ce ne soit le prof qui vous le commande.
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Enfin, last but not least, certains oublient qu'une technique, ce n'est pas uniquement une performance personnelle, mais une relation à l'autre.
- Relation à autrui : le Hapgido n'est pas uniquement une activité individuelle physique et mentale. Bien sûr, on travaille des qualités telles que décrites plus hautes. Mais c'est surtout une activité en relation avec un partenaire. Sans partenaire, le Hapgido serait réduit à une chorégraphie de danse. Aussi, lors des passages de grade, quand on voit des techniques exécutées par quelqu'un qui ne semble concentré que sur ce qu'il fait, on se dit qu'il a manqué une facette importante du Hapgido. Et le fait d'être centré sur soi, ça se voit très facilement de l'extérieur. Il suffit pour cela de regarder les réactions du partenaire à la technique : sa mise en mouvement, sa douleur, son manque de liberté de mouvements, ... Exécuter une technique correctement n'est pas seulement avoir compris les mouvements que je dois accomplir, c'est comprendre aussi les mouvements que le partenaire doit accomplir si la technique est correctement exécutée. En cours, une fois les mouvements que je dois effectuer durant une technique sont compris, je dois m'en détacher et me concentrer uniquement sur les effets produits sur l'autre ; comme au foot, on finit par oublier le ballon et on regarde le terrain et les autres joueurs, il convient de finir par s'oublier soi-même et de prendre conscience du partenaire et de l'environnement.
- Relation à l'environnement : ce qui est aussi flagrant chez beaucoup, c'est qu'ils sont tellement auto-centré qu'ils ne voient plus ce qui se passe autour d'eux. Pendant le passage de grade, ils font face à leur partenaire et le jury disparaît de leur radar. Ils n'entendent plus les ordres, ou alors en partie seulement. S'il convient d'être concentré sur soi et sur son partenaire, le monde n'en disparaît pas pour autant et il faut dépasser la seule concentration pour attacher son esprit à tout et à rien en particulier. Pendant les cours, écoutez les ordres ou les conseils jusqu'au bout, évitez le "j'ai tout compris" ; essayez d'appliquer autant que possible la notion de Nunchi, restez vigilants ou aware à ce qui se passe autour de vous sans pour autant vous disperser de votre technique en cours !
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Voilà grosso modo les différents points qu'on a pu relever lors de ce dernier passage de grade. On peut se poser la question de la pertinence du passage de grade (et je le ferai dans un billet à venir) mais cela reste un outil extrêmement révélateur du niveau réel d'un pratiquant. Pas seulement concernant la connaissance d'un programme, mais aussi sur la réelle maîtrise des principes sous-jacents des techniques. Et là, quel que soit le nombre de techniques apprises, si leurs principes ne sont pas assimilés, elles ne seront que chorégraphies vides de sens et d'efficacité.
Donc voilà ce qu'on veut voir nos élèves travailler en cours, régulièrement et assidûment. Pour leur bien. Car, une fois ces principes acquis, apprendre de nouvelles techniques ne sera plus que rajouter des cerises sur un gâteau plus que consistant.