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Si j'ai décidé d'écrire ce billet, c'est parce que je dois dire que c’est ce que j’ai légèrement ressenti lors de mon premier séjour dans ce pays. Loin de mes images d’Epinale (que je m’étais fabriquées tout seul comme un grand), mon premier contact a été avec la ville de Seoul, ce qui ne donne pas une image flatteuse du pays, je dois dire : grands bâtiments à perte de vue, de la foule, de la consommation à gogo... Où était passée ma Corée traditionnelle ? Aucune trace a priori. Même les palais avaient l’air d’être perdus au milieu de cette jungle urbaine.
Car la Corée est un pays moderne, définitivement moderne, américanisé de manière exaspérante parfois. Nous sommes dans une société productiviste et consumériste, libérale et individualiste, hautement technologique et évangéliste, entièrement tourné vers son futur et laissant peu de place à son passé. On y travaille beaucoup et on s'y amuse beaucoup (ah, les Noraebang, sortes de Karaoke en chambre avec l'alcool et les amuse-bouches à profusion). La mode vestimentaire (costumes occidentaux, vêtements "hip-hop", ...), la musique (Dance music, girl bands) et les loisirs (télévision, boîtes, sports d'équipe, ...) sont identiques aux nôtres, les moeurs y ont évolué très vite (de jeunes couples qui s'embrassent dans la rue, impensable il y a encore quelques temps). A deux-trois détails près, les villes coréennes sont peu différentes d'une mégapole occidentale moderne.
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Ceci étant dit, les gouvernements coréens récents semblent redécouvrir l'importance de préserver son identité et ses trésors du passé, ainsi que les bienfaits du tourisme. Cela commence par des efforts plus importants pour conserver ses paysages propres et pour rénover ses anciens bâtiments (palais, Hanok, temples, ...) . Ainsi, quoique discrètes, de nombreuses traces du passé restent facilement dénichables. Grâce aux programmes des Trésors Tangibles et Intangibles, on peut même se replonger dans des réminiscences de la Corée d'avant-hier : des cours de Seoye, d'équitation ou d'archerie ; des temple-stays dans des temples bouddhistes ; des séjours dans des villages de Hanok reconstitués...
Quant aux Muye, qui sont le centre de ce site, ils sont loin d'occuper une place centrale dans la Corée moderne. Ne vous attendez donc pas à voir un Dojang à tous les coins de rue, et surtout pas dans les centres-villes. De même, côté littérature martiale, cela reste faible en volume… Mais en cherchant bien, des pépites sont toujours débuscables.
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Je ne critique pas le fait que la Corée se soit modernisée. Par son refus de le faire à la fin du 19ème siècle, elle s'est faite envahir et annexer par son voisin plus avancé technologiquement. La marche du progrès doit être prise, question de survie. Non, ce que je reproche, c'est l'oubli de son identité passée et le sacrifice de sa culture sur l'autel de l'efficacité productiviste et financière. Modernisation et Culture sont-elles à ce point antinomiques ?
La mondialisation a des bons côtés, sans aucun doute (sans elle, je n’aurais pas autant voyagé en Corée, je ne vous parlerais même pas de Muye, …) mais elle a l’inconvénient trop souvent gommer ces différences qui font la richesse culturelle de ce monde. On a ainsi l’impression en voyageant à l’étranger d’être « comme à la maison » et on perd le plaisir d’être perdu dans un autre monde, de découvrir d’autres coutumes, d’aborder de nouveaux paradigmes, d’apprendre et d'être surpris tout simplement. Telle est la Corée d'aujourd'hui : si l'on passe les Hangeul qui ornent tous les bâtiments et la concentration de personnes aux yeux bridés, elle n'est pas très différente de notre pays.
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Donc, que tous les amoureux d'une Corée dite "traditionnelle" soient préparés pour leur premier voyage : vous aurez affaire avec un pays moderne et assez peu soucieux de son passé. Point de jeunes demoiselles en Hanbok, point de vieux maître caché au fin fond d'un monastère, point d'esprit "confucéen" ou "Seon" (zen), en dehors d'une minorité de la population. La Corée d'antan a disparu ou, en tous cas, reste très marginale dans notre 21ème siècle.
Mais cette modernité n'est pas forcément un handicap. Visiter un pays moderne a aussi ses avantages : notamment, en tant que touriste, il est aisé de s'amuser et, les Coréens étant des gens chaleureux, il est aussi aisé de se faire des amis. Les déplacements sont facilités par un réseaux de transport bon marché et dense ; la restauration est peu chère et internationale ; la communication peut se faire par de nombreux moyens, notamment par un réseau internet à haute vitesse quasi-généralisé ; nombre de panneaux ont une lecture en alphabet romain ; bref, la vie pour un étranger est grandement facilitée. Malgré un a priori qui pourrait être négatif dès la sortie de l'aéroport, la Corée moderne est ainsi un pays très convivial où il fait bon vivre.