----------
Tout comme lorsque le Karatedô nippon est arrivé en France, on disait LE Karate avant d'apprendre au fur et à mesure qu'il s'agissait d'UN Karate (le Shotokan) parmi d'autres très différents (Uechi-ryû, Shitô-ryû, Kyokushin-kai, ...), de même, LE Hapgido est composé d'une multitude de styles (Hangido, Hapgimudo, Jingjung-gwan, Musul-gwan, ...). très différents les uns des autres. Tellement que, parfois, deux pratiquants de Gwan distincts peuvent se demander s'ils pratiquent réellement le même art martial...
Pour le bien du lecteur déjà perdu, je pense qu'à ce stade, faire l'analogie avec l'arbre est de rigueur. Le point commun à toutes les feuilles est le tronc (commun) et ses racines. Commençons donc par le début, puis nous verrons les différentes évolutions apparues au cours du temps.
1- Les racines et le tronc
Ce qui relie au fond toutes ces différentes écoles de Hapgido est leur volonté de se rattacher à au moins une, sinon les deux, personnes suivantes : CHOE Yong-Sul et JI Han-Jae. L'un comme l'autre sont le plus souvent considérés comme les créateurs du Hapgido.
Dans les premiers temps, le Hapgido, qui se dénommait encore Hapgi Yugwonsul, était constitué uniquement des techniques de l'école japonaise Daitô-ryû aikijûjutsu. Apporté par le professeur CHOE dès son retour de l'archipel au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, il ouvrit son premier Dojang le 12 février 1951 et tous les professeurs de Hapgido lui sont généalogiquement liés. Une seule école à l'heure actuelle, le Hapgi Yusul de KIM Yun-Sang, continue à enseigner le seul enseignement du professeur CHOE ; c'est certainement la raison pour laquelle elle n'utilise d'ailleurs pas le vocable de Hapgido.
Dans un second temps, l'arrivée de JI Han-Jae va apporter un essor nouveau à l'enseignement du professeur CHOE. Ayant appris le Hapgi Yugwonsul de 1949 à 1957 (départ pour cause de déménagement à Andong), il s'entraînera Taekgyeon et fera dans son Dojang de Seoul (le Seongmugwan) sa propre synthèse de ces deux arts martiaux. Ayant fait des études supérieures et ayant des relations hautes placées dans l'armée et dans la Sécurité présidentielle, il fera preuve d'un grand sens du rassemblement et de l'organisation, aboutissant à la (pro)création du Hapgido en tant que tel (1958) et de la Daehan Hapgido Hoe (Association coréenne de Hapgido, 1965). Parti aux Etats-Unis, JI poursuit son enseignement au sein de la Shinmugwan Hapgido.
Ces deux hommes et ces deux écoles (Aikijutsu-Yawara et Taekgyeon) forment le tronc sur lquel toutes les autres tendances de Hapgido se sont développées. C'est après eux que cela se complique.
2- Les branches et les feuilles visibles
Ce que j'appelle les branches et feuilles visibles, ce sont les Dojang du civil, accessibles à tout le monde.
- Le troisième temps du Hapgido se situe, selon moi, dans les apports de l'autre grand Muye de Corée : le Taegwondo. Les transfuges de ce dernier n'ont pas vidé leur coupe complètement et, dans leur Hapgido, des caractéristiques nouvelles : les positions s'abaissent, les fentes s'élargissent, le poing apparaît, ainsi que les makgi (blocages) spécifiques du Taegwondo ; quelques coups de pieds comme les Bandal chagi. Avec eux, le Hapgido prend une tournure plus pieds-poings que clés-projections. Ces changements ont dû s'opérer vers le milieu des années 70 - début de années 80.
- Vers le début des années 90, c'est la vague des Kick boxing qui a apporté son influence. Popularisé par les K1 et autres Gyeoktugi, il a attiré des combattants issus aussi du Hapgido. Ceux-ci inclurent ce qu'ils avaient retenu des combats sur ring dans leur Hapgido. La garde, des coups de poings très boxe (crochets, uppercuts, ...), les déviations de la main, des coups de pieds (Low kick), les esquives de corps apparaissent.
- Enfin, le cinquième temps, celui dans lequel nous sommes, est largement influencé depuis les années 2000 par le Mix Martial Art (MMA), le Jiujitsu brésilien (JJB) et leurs dérivés popularisés par les Ultimate Fightings. Ici, c'est l'apport du combat au sol qui fait la différence. On peut classer dans cette catégorie un style comme le Gonggwon Yusul et les écoles de Hapgido incluant un cursus complet de techniques de soumission au sol. En générale, elles incluent aussi généralement un système de compétition.
A ces évolutions martiales, on peut aussi, sans pouvoir le dater, une tendance de certaines écoles à travailler de manière importante les acrobaties. Ceci est populaire parmi les jeunes, avec une vision plus artistique des arts martiaux qu'une vision pragmatique de self-défense.
3- Les branches et les feuilles invisibles
A côté de ses évolutions civiles, le Hapgido a poursuivi une évolution dans les milieux de l'armée et des Forces de l'Ordre. Evidemment, ce Hapgido n'est pas accessible au commun des mortels, il est évidemment réservées aux personnels professionnels. Même si, du fait du retour à la vie civile de ces personnelles, certaines techniques ont pu transpirer, l'essentiel reste classifié et hors de portée des personnels non autorisés (je pense ici notamment au Teukgong musul, censé être issu des milieux militaires, mais qui s'est largement édulcoré en passant dans le civil).
Cette partie du Hapgido existait dès son origine : sa composante Yawara avait été développée par un clan militaire nippon (Aizu buke) et le professeur CHOE l'avait lui-même mis en pratique en traquant avec son maître, TAKEDA Sokaku, les déserteurs durant la Seconde Guerre Mondiale. De même, JI Han-Jae avait des accointances fortes avec les milieu de l'armée coréenne et dans la protection présidentielle. Ce qui a donné trois apports au Hapgido :
- Les apports des gardes du corps présidentiel (Cheongwadae = la Maison Bleue) : travail en binômes, de protection d'autrui, d'arrestation, avec armes à feu, ...
- Les apports des militaires (Forces spéciales comme le 707th Special Missions Battalion) et des para-militaires (Teukgongdae = Swat, comme le 868th NAtional Police unit) : apports du close-combat (élimination de sentinelles entre autres), apports du CQB (assauts en milieux fermés à très courte distance), arrestations-enlèvements, ...
- Les apports des policiers (civils et militaires) : arrestations, menottage, travail en binôme, self-défense avec matériels et armes de service, menottage, ...
----------
J'ai volontairement limité cet article aux évolutions qui concernent les écoles se nommant toujours "Hapgido". J'aurais pu parler aussi des écoles issues clairement du Hapgido tels le Hangido, le Hwarangdo, le Guksulwon ou le Hanmudo, entre autres. Mais ces écoles se sont clairement détachées de leurs racines pour suivre leur propre évolution et se sont clairement détachées de la "famille Hapgi".
En conclusion, je reste toujours gêné quand on me demande de définir ce qu'est le Hapgido. Comme vous le voyez, les influences sont nombreuses et, hors celles du professeur CHOE Yong-Sul et de JI Han-Jae, toutes les autres sont inégalement adoptées selon les écoles. Ce qui génère, vous en conviendrez, de fortes différences pédagogiques et techniques, voire même stratégiques selon les objectifs poursuivis.
Malgré toutes ces différences, il reste pertinent, selon moi, de définir le Hapgido par ce tronc commun issu des années 1945 à 1970. C'est, malgré tout, ce qui rassemble tous ces Hapgido au sein d'une même famille.